DANS LE NOIR

par amasauce

51, rue Quincampoix, 75004 Paris.
M° : Châtelet, Hôtel de Ville, Rambuteau.
Tel : 01 42 77 98 04.
Ouvert tous les jours.

Je veux bien être aventurière et ouverte d’esprit, mais de là à me taper tout un dîner dans le noir complet, faut quand même pas pousser mémé dans les orties. La vérité, c’est que rien que l’idée me fait complètement flipper, et que je suis à mille lieues de capter pourquoi cette bande de tarés est toute émoustillée à l’idée de se fourrer leurs cuillérées droit dans le nez. A peine arrivés, obligation formelle de planquer toutes nos affaires dans des casiers – parce que toute source de lumière est formellement interdite dans la pénombre totale de la salle à manger. Eh, mais on n’est pas à Euro Disney !

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Dans le «bar d’accueil» encore éclairé – où l’on se fait d’emblée servir un cocktail bien chargé, comme s’il fallait boire pour oublier ce qui allait nous arriver – nous rencontrons Lydia. Lydia est non-voyante, et elle sera notre guide pour la soirée. Lydia est étonnante, touchante, bouleversante. Elle nous demande de former une queue leu-leu dont elle prend la tête, d’attraper notre voisin de devant par l’épaule et de surtout ne pas se lâcher avant d’être tous correctement attablés. Echangeant alors quelques mots avec Lydia, je me sens sombre idiote pleine de préjugés – et décide alors de m’abandonner à l’expérience unique d’observer mes quatre sens contrebalancer tant bien que mal celui dont je serai privée.

J’aurais adoré pouvoir parler de la déco du resto, de la couleur du papier-peint, de la matière des ronds de serviette, de la marque des couteaux et tutti cuanti, mais sans mes yeux, ça me paraît quelque peu compromis. Ca raisonne, ça sent le renfermé, et puisque je n’ai que mes oreilles et mon nez, je m’imagine dîner dans un immense hangar délabré. C’est bizarre, comme mon odorat paraît plus développé. Et puis pourquoi ils gueulent, la table d’à côté ? En me concentrant bien, je réalise que la table voisine ne gueule pas du tout, mais que c’est tout bonnement d’être privée de la vue qui décuple ce que j’entends. Bach, Ray Charles, Stevie Wonder… Je comprends mieux maintenant, pourquoi les compositeurs de génie sont ou étaient non-voyants. Comme ils l’avaient fait, essayons donc de transformer ce handicap en une force le temps d’un dîner, en tâchant de commencer par être calme et organisée. Fourchette, couteau, verre à pieds; j’ai.

Histoire de vivre l’expérience à fond les ballons,  j’ai choisi le menu surprise. En gros, pour 49 euros, le principe est de manger je ne sais quoi, je ne sais où, avec je ne sais qui. A l’arrivée de mon assiette, autant vous dire que j’ai très rapidement compris qu’il fallait abandonner l’idée de la fourchette : au moins, avec mes doigts, je peux toucher, lécher, deviner, et surtout viser. Ludique et régressif à souhait.

Plus tard, j’appris que ce que j’avais identifié comme une salade de poulpe était en fait un chutney de mangue, et que lorsque je pensais avaler du foie de veau, j’ingurgitais finalement une escalope de foie gras poêlé. D’ailleurs, je ne sais pas si c’est mon assiette ou celle de mon voisin que j’ai gobée : quand on perd la vue, on est quand même sacrément paumés. Autant vous dire que la cuisinos que je suis s’est pris une sacrée raclée. Toujours est-il qu’on s’est marrés comme des baleines à tout renverser, et qu’on est ressortis aussi tâchés que des bébés qui apprennent à manger. La bouffe n’était pas à tomber (vous noterez la finesse du jeu de mot) mais « Dans le Noir » est définitivement à essayer et à recommander : surtout pas habillé en blanc, et de préférence avec un bavoir géant. Pour Lydia, pour Ray Charles, pour Stevie Wonder et surtout pour moi – je suis contente de l’avoir fait, ne serait-ce que pour réaliser ma veine d’avoir retrouvé l’usage de mes orbites après dîner. En tout cas, si l’amour rend aveugle, je suis bien chanceuse de n’être jamais tombée amoureuse…

In the heart of Paris, this restaurant offers a truly human and unique sensory culinary experience : eating in the complete darkness, steered by sand-blind or blind people. Frightening, but surprising !

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