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PETITES CUISINES / GRANDS REPAS: COMMENT CUISINER DANS UN PLACARD?

par margaux grosman

La taille globale du logement des français augmente, mais celle de leur cuisine diminue: comment transformer une kitchenette crotte-de-mouche en vivier insatiable de créativité? Amasauce s’est infiltrée dans la cuisine du Bustronome, dont le chef opère dans moins de 3m2 : voici la réponse en 5 règles d’or.

Crédit photos : Julien Lienard

Paris, avenue Kleber. Faxée dans la cuisine du Bustronome, ma tête touche le plafond pour la première fois de ma vie: confinée dans 70cm de large (soit la taille d’un bac à gastronome, pour vous situer) la vue sur l’Arc de Triomphe me fait même oublier la promiscuité.

Cuisiner dans un dé à coudre, c’est la problématique de plus en plus de français: tandis que «près de 200.000 logements ne disposent d’aucune installation pour cuisiner» – 30% des cuisines françaises font moins de 9m2 (enquête INSEE, 2013.) Pour nous imaginer un coin cuisine optimisé, architectes et cuisinistes redoublent d’ingéniosité: en témoignent la Minikitchen du designer Joe Colombo (une cuisine escamotable d’1m3 contenant frigo, plaques de cuisson, prises de courant et tiroirs de rangement;) et la C=1m2 de Neff, compressée pour ne pas dépasser 1m2. Et là, je repense avec nostalgie à mon ex- kitchenette de 2m2, où j’ai taillé avec amour mes premiers navets.

Savais-tu que Dan Barber, icône de la gastronomie américaine, a commencé traiteur dans une cuisine clandestine installée sous une bouche d’égout à Chinatown? Moi non plus, mais c’est la série «Chef’s Table» (Netflix) qui me l’a dit. Savais-tu aussi que Rachel Khoo, chef et auteure à succès, a débuté dans sa kitchenette parisienne de 3m2? Les français passent en moyenne 1h20 par jour dans leur cuisine, dont 20 minutes juste pour ranger: Sébastien Nicolleau, chef/warrior du Bustronome, nous explique comment garder la pêche dans 3,5m de long sur 70cm de large, où il prépare jusqu’à 80 couverts journaliers.

1) La multi-fonction, tu aimeras.

Qui dit place limitée dit bien choisir son électroménager. «Au Bustronome, il a fallu s’équiper intelligemment pour gagner du temps et de la place», explique Sébastien. Multi-cuiseur, four/lave-vaisselle, frigo/ congélateur: de nos jours, la polyvalence de l’électroménager fait presque peur. Un conseil, n’oubliez pas de lire les notices: cela vous évitera de se retrouver avec une viande marinée… à la pastille lave- vaisselle émiettée.

2) Tes cuissons, tu maîtriseras.

«Au Bustronome, nous sommes limités à deux plaques à induction, un micro-ondes, et une étuve. Je saisis les viandes et les poissons à la poêle, puis termine la cuisson à basse température dans l’étuve qui me permet aussi de garder les plats au chaud.» Coté légumes, Sébastien les blanchit avant de les poêler au beurre – «mais pas les légumes verts, qu’il faut réchauffer à l’eau pour en conserver la chlorophylle.»

3) Les termes «encastrable» et «escamotable», tu béniras.

Plan de travail rabattable, poubelle encastrable, poêles à manches amovibles, coups de polish réguliers : un bon cuisinier doit être clean – et confortablement installé. «Les rangements sont accessibles par tiroirs, sous le plan de travail. Vu l’espace, la cuisine doit être en permanence rangée et nettoyée» souligne Sébastien.

4) Ta matière première, tu sélectionneras.

Quelques produits de longue conservation + des compléments frais – et le tour est joué. «On veille à ne jamais manquer de riz, conserves, épices, herbes, condiments et fromages.» De quoi garantir un minimum de denrées non-périssables pour rebondir aux moindres désirs (ou allergies) des clients. Ce à quoi le chef ajoute: «pas évident non plus de s’approvisionner discrètement lorsque le bus est en mouvement!» Ah, oui, effectivement.

5) Tel un régisseur lumière, tu éclaireras.

Pour un réchauffage de pièce ciblé, applique donc chez toi ce conseil avisé: en plus de la lumière naturelle, la cuisine du Bustronome mélange éclairage direct (LED au dessus du plan de travail et de la vitre) et éclairage indirect (plafond,) moins éblouissant. De là, libre à toi d’éveiller tes cinq sens à la magie de l’instant: petit Chopin en fond musical, v’la que j’t’attrape une casserole, hop que j’t’émince une carotte, v’la que j’te dresse toussa, dans ma jolie vaisselle rapportée du Panama.

Parce qu’évidemment, une kitchenette intelligente n’est rien sans un cuisiner futé: mais lorsque les deux se rencontrent, la contrainte fait naître de grandes idées. Moralité: en sexe comme en cuisine, la taille ne saurait compter.

LES KINGS DE LA CUISINE DE PLACARD :

Rachel Khoo, chef et auteure (The Little Paris Kitchen, Zumbo’s Just Desserts) a commencé dans une studette de 3m2 à Belleville.

Dan Barber (49e place au classement du World 50’s Best Restaurant pour «Blue Hill At Stone Barns») a commencé traiteur dans une cuisine clandestine… installée sous une bouche d’égout à Chinatown. https:// www.bluehillfarm.com/team/dan-barber

Jonah Reider (Pith) remue New-York avec son restaurant monté dans sa chambre universitaire à Columbia.

Jiro Sukiyabashi (*** Michelin pour son restaurant éponyme) régale Obama dans son restaurant à la taille d’un mouchoir de poche à la station «Ginza» du métro tokyoïtes. http://www.sushi-jiro.jp/dining-at-jiro/

– Sébastien Nicolleau et Vincent Thiessé (Bustronome) préparent 80 couverts quotidiens dans la cuisine de 70cm de large aménagée dans un bus en mouvement dans Paris. http://www.bustronome.com/fr/

Un reportage réalisé pour le magazine Grand Seigneur.

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